© Mikha Wajnrych
© Mikha Wajnrych
Cie Mossoux-Bonté

Retours de spectateurs

Ma tête est trop lourde pour moi toute seule,
alors je la partage avec deux ou trois autres ;
qui me disent ce que je dois faire,
où je dois aller ;
elles ont aussi pris possession de mes bras,
de mes jambes, de mon corps,
et m’ont ainsi totalement
vidé de moi-même

Il fait peur la nuit
quand on est noir, tout seul,
et que l’autre est là,
tapi dans un coin,
à nous prendre d’assaut
dès qu’on se relâche un peu…

C’était il y a très longtemps, très loin,
Du temps où je n’étais pas née,
D’autres vivaient en moi,
Et je n’avais plus aucune chance
De venir au monde,
Seule et unique…

En faisant le ménage un soir,
J’ai rencontré
J’ai rencontré
Deux ou trois « moi »
Tout pantelants ;
ils m’ont parasitée,
démantelant mon corps
Qui ne m’appartient plus
désormais…

Quand le noir a fini de m’étrangler
De m’étrangiser,
J’ai su que je n’étais plus seule
En ma demeure .
Et quand je l’ai su,
Je n’ai plus jamais été moi,
-mais avais-je le choix ?

Je n’ai plus de corps,
Il est passé ailleurs,
Je n’ai plus que deux ou trois têtes,
Mais je ne sais même plus
laquelle est la vraie…

Le fantôme de l’enfant
Que je n’aurai jamais
Que je ne serai jamais
Que je ne verrai jamais grandir
Le fantôme de l’enfant
M’a prise en otage
Et m’a forcée à le tuer
Pour ne lui avoir jamais donné la vie….

Ils m’ont dit
De ne plus vous cacher,
Alors, je vous ai lâchés dans la nuit :
Les spectres secrétés par mes peurs
Les sorcières aux dents de vampires,
Les enfants assassinés,
et tant d’autres…
Finalement, c’est moi qui ai dû
Aller me cacher
Tout au fond de moi
et ne plus jamais sortir…

Marie-Laure Poux • 2003